Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/264

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que « la terre appartient à celui qui la cultive, et ses produits à ceux qui les font naître ». Je pense qu’elle appartient à celui qui sait la prendre ou qui ne se la laisse pas enlever. S’il s’en empare et la fait sienne, il aura non seulement la terre, mais encore le droit à sa possession. C’est là le droit égoïste, qui peut se formuler ainsi : « Je le veux, donc c’est juste. »

Autrement compris, le droit est une chose dont on fait ce qu’on veut. Le tigre qui m’attaque est dans son droit, et moi qui l’abats, je suis également dans mon droit. Ce n’est pas mon droit que je défends contre lui, c’est moi.


Le droit humain étant toujours un droit accordé, il n’est jamais autre chose qu’un don, une « concession » que les hommes se font l’un à l’autre. Si l’on reconnaît par exemple aux nouveau-nés le droit à l’existence, ce droit leur appartiendra : si on ne le leur reconnaît pas (comme chez les Spartiates et les anciens Romains), il ne leur appartiendra pas. La société seule peut en effet le leur donner, le leur « accorder », puisqu’ils ne peuvent le prendre ou se le donner eux-mêmes. On m’objectera que ces enfants avaient « naturellement » le droit de vivre, mais que ce droit, les Spartiates refusaient de le leur reconnaître. C’est donc, répondrai-je, qu’ils n’avaient aucun droit à cette reconnaissance, pas plus qu’ils n’avaient droit à ce que les bêtes sauvages auxquelles on les jetait reconnussent leur droit à la vie, On parle beaucoup de droits innés, et on se plaint :


« Du droit qui est né avec nous, de celui-là, hélas ! il n’est pas question. »


Mais quelle espèce de droit pourrait bien être né avec moi ? Est-ce le droit d’aînesse, le droit d’hériter d’un trône, de recevoir une éducation princière — ou bien encore, si je suis né de parents pauvres, est-ce le droit de fréquenter l’école gratuite, d’être vêtu