Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/280

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Il appert que c’est de nouveau l’« Homme » qui engendre les concepts de crime, de péché et, par suite, de droit. Un homme en qui je ne reconnais pas l’Homme est un « pécheur », un « coupable ».

On ne peut être criminel qu’envers quelque chose de sacré. Envers Moi, tu ne seras jamais criminel, tu ne peux être que mon adversaire. Mais il y a déjà crime à ne point haïr celui qui offense une chose sacrée, l’apostrophe de Saint-Just à Danton en témoigne : « N’es-tu point criminel et responsable de n’avoir pas haï les ennemis de la patrie ? »

Si l’on adopte l’idée de la Révolution et si l’on entend par « Homme » le « bon citoyen », de cette conception de l’Homme vont découler tous les « délits et crimes politiques ».

En tout cela, c’est l’Individu, l’homme individuel qui passe pour le monstre, tandis que l’homme abstrait est décoré du titre d’« Homme ». Quelque nom qu’on donne à ce fantôme, qu’on l’appelle Chrétien, Juif, Musulman, bon citoyen, sujet loyal, affranchi, patriote, etc., devant l’ « Homme » victorieux tombent aussi bien ceux qui voudraient réaliser une conception différente de l’Homme que ceux qui veulent se réaliser eux-mêmes.

Et avec quelle onction on se coupe la gorge au nom de la loi, du peuple souverain, de Dieu, etc. !

Lorsque les persécutés ont recours à la ruse pour échapper à la sévérité de leurs cafards de juges, on les accuse d’ « hypocrisie » ; c’est, par exemple, le reproche que fait Saint-Just à ceux qu’il accuse dans son discours contre Danton. On doit être un fou et se livrer à leur Moloch.

Les crimes ont leur source dans les idées fixes. La sainteté du mariage est une idée fixe. De ce que la foi conjugale est sacrée, il s’ensuit que la trahir est criminel ; et, en conséquence, une certaine loi matrimoniale frappe l’adultère d’une peine plus ou moins grave. Mais ceux qui proclament la « liberté » sacrée