Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

criminel ? Celui qui rompt avec ces exigences du cœur se fait des ennemis de tous les hommes moraux, de tous les hommes de sentiment.

Les Krummacher et consorts sont les gens qu’il faut pour rédiger un code pénal du cœur et lui donner de l’homogénéité ; un certain projet de loi en témoigne. Pour être conséquente, la législation de l’État chrétien doit être exclusivement l’œuvre de — prêtres ; elle ne sera homogène, n’aura d’esprit de suite qu’à la condition d’avoir été élaborée par des — serviteurs des prêtres qui ne sont jamais que des demi-prêtres. Alors, et alors seulement, tout défaut de sensibilité, tout manque de cœur sera qualifié crime inexpiable, toute révolte de sentiment sera condamnable, toute objection de la critique et du doute sera frappée d’anathème ; alors enfin l’individu sera convaincu devant le tribunal de la conscience chrétienne d’être foncièrement — criminel.

Les hommes de la Révolution ont souvent parlé des « justes représailles » du peuple comme de son « droit ». Ici vengeance et droit se confondent. Est-ce là le rapport d’un Moi à un autre Moi ? Le peuple s’écrie que le parti adverse a commis envers lui un « crime ». Puis-je admettre explicitement que quelqu’un est criminel à mon égard sans admettre implicitement qu’il est tenu d’agir comme bon me semble ? C’est cette dernière façon d’agir que j’appelle bonne, juste, etc., et je nomme crime la conduite contraire. Je pense donc que les autres devraient viser au même but que moi, c’est-à-dire que je ne les traite pas comme des Uniques ayant en eux-mêmes leur loi et leur norme de vie, mais comme des êtres qui doivent obéir à une loi « rationnelle » quelconque. Je définis ce qu’on doit entendre par « Homme » et par « vraiment humain », et j’exige que chacun fasse de ce que j’ai érigé en loi sa règle et son idéal, sous peine de n’être qu’ « un pécheur et un criminel ». Et le « coupable » tombe sous le « coup de la loi ».