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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/314

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etc., Lusace, etc.), et la tendance unitaire au rétablissement de l’unité nationale ont même origine et même signification. Les Allemands ne seront unis, c’est-à-dire ne s’uniront, que du jour où ils auront envoyé au diable leur qualité d’abeilles et jeté par terre toutes leurs ruches, ou, en d’autres termes, du jour où ils seront plus qu’ — Allemands ; alors seulement ils pourront former une « association allemande ». Ce n’est ni dans leur nationalité ni dans le ventre de leur mère qu’ils doivent rentrer pour parvenir à une renaissance ; que chacun rentre en soi-même ! N’est-ce pas un spectacle sentimental prodigieusement ridicule que celui d’un Allemand qui serre la main à son voisin avec une sainte émotion parce que « lui aussi est un Allemand » ? Le voilà bien avancé ! Mais ne riez pas, cela passera pour fort touchant tant qu’on rêvera encore de « fraternité » et que la voix du sang ne se sera pas tue. Nos Nationalistes, qui prétendent fabriquer une grande famille allemande, sont incapables de se délivrer de la superstition de la « piété », de la « fraternité », de l’ « amour filial », et de tous les poncifs sentimentaux qui composent le répertoire de l’esprit de famille.

Il suffirait pourtant aux susdits Nationalistes de bien comprendre eux-mêmes ce qu’ils veulent pour ne plus se livrer aux embrassades des teutomanes à romances, car la coalition en vue de résultats et d’intérêts matériels qu’ils prônent aux Allemands n’est qu’une association volontaire, active et spontanée.

L’impersonnalité de ce qu’on nomme Peuple et Nation éclate dans ce fait qu’un Peuple qui veut faire tout son possible pour mettre son Moi en valeur place à sa tête un chef sans volonté. Il ne peut échapper à ce dilemme : ou bien être asservi à un prince qui ne réalise que lui-même et son bon plaisir personnel — et dans ce cas il ne reconnaîtra pas dans ce « maître absolu » sa propre volonté, la volonté populaire —, ou bien hisser sur le trône un prince soliveau qui ne témoigne d’aucune