volonté personnelle — et dans ce second cas il aura un prince sans volonté qu’on pourrait, sans aucun inconvénient, remplacer par un mécanisme d’horlogerie bien réglé. De ces considérations il résulte, clair comme le jour, que le moi du Peuple est une puissance impersonnelle, « spirituelle », — la Loi. Le moi du Peuple est par conséquent un fantôme et non un moi. Je ne suis un moi que parce que c’est Moi qui me fais, c’est-à-dire parce que Je ne suis pas l’œuvre d’un autre, mais proprement mon œuvre. Et qu’est-ce que le moi du Peuple ? Un hasard le lui donne, les circonstances lui imposent tel ou tel maître héréditaire ou lui procurent le chef qu’il élit ; il n’est pas son produit, le produit du Peuple « souverain », comme Je suis mon produit. Figure-toi que l’on te veuille persuader que tu n’es pas toi, mais que toi, c’est Pierre ou Paul. C’est ce qui arrive au peuple, et il ne pourrait en être autrement, attendu que le peuple n’a pas plus un moi que les onze planètes assemblées n’en ont un, encore qu’elles gravitent autour d’un centre commun.
Pendant longtemps, l’homme a passé pour un citoyen du Ciel. Un voudrait en faire aujourd’hui comme au temps des Grecs un zoon politicon, un citoyen de l’État ou homme politique. Le Grec fut enseveli sous les ruines de son État, et le citoyen céleste tombera avec son Ciel. Mais nous n’entendons pas que la Nation, la Nationalité ou le Peuple nous entraînent dans leur chute, nous n’entendons point n’être que des animaux politiques. Depuis la Révolution, on cherche à faire le bonheur du Peuple, et pour faire le Peuple heureux, grand, etc., on nous rend malheureux ! Le bonheur du Peuple est — mon malheur.
On peut juger du vide que recouvrent de leur emphase les discours des Libéraux politiques en feuilletant l’ouvrage de Nauwerk : Ueber die Theilnahme am Staate (Sur la participation à l’État). L’auteur se plaint de l’indifférence et de l’apathie qui empêchent