Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/371

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hommes. Il n’est plus le monde de Dieu, mais le monde des hommes. Tout ce que chaque homme peut s’en procurer, il peut le nommer sien ; seulement, le véritable Homme, l’État, la Société humaine ou l’Humanité veilleront à ce que chacun ne fasse sien que ce qu’il s’approprie en tant qu’Homme, c’est-à-dire d’une manière humaine. L’appropriation non humaine n’est pas autorisée par l’Homme ; elle est « criminelle », tandis que, au contraire, l’appropriation humaine est « juste » et se fait par une « voie légale ».

C’est ainsi qu’on parle depuis la Révolution.

Mais nulle chose n’est en elle-même ma propriété, vu qu’une chose a une existence indépendante de moi ; seule ma puissance est à moi. Cet arbre n’est pas à moi ; ce qui est à moi, c’est mon pouvoir sur lui, l’usage que j’en fais. Et comment exprime-t-on ce pouvoir ? On dit : j’ai un droit sur cet arbre ; ou bien : il est ma légitime propriété. Or, si je l’ai acquis, c’est par la force. On oublie que la propriété ne dure qu’aussi longtemps que la puissance reste agissante ; ou, plus exactement, on oublie que la puissance n’est pas une entité, mais qu’elle n’a d’existence que comme puissance du Moi, et qu’elle n’existe qu’en Moi, le puissant.

On élève la puissance, comme d’autres de mes propriétés (l’humanité, la majesté, etc.), au rang d’ « être pour soi » (fürsichseiend), de sorte qu’elle ne cesse pas d’exister alors qu’elle a depuis longtemps cessé d’être ma puissance. Ainsi transformée en fantôme, la puissance est le — Droit. Cette puissance immortalisée ne s’éteint pas même à ma mort, elle est transmissible (« héréditaire »).

Il suit de là qu’en réalité les choses appartiennent non pas à Moi, mais au Droit.

Tout cela n’est qu’une vaine apparence pour un autre motif encore : la puissance de l’individu ne devient permanente et ne devient un droit que