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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/374

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de sacré. Moi, au contraire, je ne me fais pas un crime de l’abattre si cela me plaît ; il reste ma propriété, quelque long qu’ait pu être le temps pendant lequel je l’ai abandonné à d’autres : il était et il reste à moi. Je ne vois pas plus la qualité d’objet étranger dans la richesse du banquier que Napoléon dans les provinces des rois. Nous ne nous faisons aucun scrupule d’en tenter la « conquête », et nous cherchons par tous les moyens à y arriver. Nous en exorcisons donc l’esprit d’étrangèreté qui nous avait fait d’abord reculer d’effroi devant elle.

Mais il est indispensable pour cela que je ne prétende à rien en qualité d’Homme, mais seulement en qualité de Moi, de ce Moi que je suis ; je ne prétendrai par conséquent à rien d’humain, mais seulement à ce qui est mien, ou, en d’autres termes, à rien de ce qui me revient en tant qu’homme, mais à — ce que je veux, et parce que je le veux.

Donc, une chose ne sera la juste et légitime propriété d’un autre que quand il sera juste pour toi qu’elle soit la propriété de cet autre. Dès qu’il ne te convient plus qu’il en soit ainsi, la légitimité disparaît à tes yeux, et il ne te reste plus qu’à rire du droit absolu du propriétaire.

Outre la propriété au sens restreint dont nous nous sommes entretenus jusqu’à présent, il en est une autre qui s’impose à notre vénération et contre laquelle il nous est encore bien moins permis de « pécher ». Cette propriété est constituée par les biens spirituels et le « sanctuaire de la conscience ». Ce qu’un homme tient pour sacré, il n’est pas permis à un autre de s’en moquer. Si faux que soit l’objet de sa foi, et si désireux qu’on soit de l’en détacher pour le ramener « tout doucement et pour son bien » au culte d’un sacro-saint plus authentique, sa foi du moins, quelque discutable qu’en soit l’objet, est sacrée et doit toujours être respectée ; quelque absurde que soit l’idole, la faculté de vénération de celui qui la