Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/395

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Si l’amour est servitude, c’est que son objet m’est étranger, et que je suis impuissant contre son éloignement et sa supériorité. Pour l’égoïste, rien n’est assez haut pour qu’il croie devoir s’humilier, rien n’est assez indépendant pour qu’il en fasse le principe de sa vie, rien n’est assez sacré pour qu’il s’y sacrifie. L’amour de l’égoïste prend sa source dans l’intérêt personnel, coule dans le lit de l’intérêt personnel et a son embouchure dans l’intérêt personnel.

Est-ce encore là de l’amour ? demandera-t-on. Choisissez un autre nom si vous en savez un meilleur, et que le doux nom d’amour s’éteigne avec un monde qui n’est plus ! Pour ma part, je n’en trouve pas d’autre pour le moment dans notre langue chrétienne, et je m’en tiens au vieux mot : « j’aime » l’objet qui est mien, j’aime ma — propriété.

Je ne consens à me livrer à l’amour que pour autant qu’il ne soit qu’un de mes sentiments ; mais s’il faut qu’il soit une force supérieure à moi, une puissance divine (Feuerbach), une passion à laquelle j’ai le devoir de ne pas me soustraire, une obligation morale et religieuse, je le — méprise. Sentiment, il est à Moi ; principe auquel je dois vouer et « consacrer » mon âme, il est souverain et divin, comme la haine est diabolique : l’un ne vaut pas mieux que l’autre. En un mot, l’amour égoïste, c’est-à-dire mon amour, n’est ni sacré, ni profane, ni divin, ni diabolique.

« Un amour que limite la foi est un amour faux. La seule limitation qui ne soit pas contradictoire avec l’essence de l’amour est celle que l’amour s’impose à lui-même par la raison, l’intelligence. L’amour qui repousse la rigueur et la loi de l’intelligence est théoriquement un amour faux, pratiquement un amour funeste . » C’est ce que dit Feuerbach ; les croyants disent au contraire : L’amour est essentiellement du domaine de la foi. Celui-là s’élève avec véhémence