Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/407

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faiblir si l’on m’acculait au serment ? C’est qu’alors j’aurais été d’avance corrompu et rendu incapable de faire un menteur ou un espion, puisque je fournirais de mon plein gré à l’ennemi le moyen de me démasquer.

L’État lui-même craint le mensonge et le serment « officieux » ; aussi n’admet-il pas l’accusé au serment. Mais vous ne justifiez pas la crainte de l’État : Vous mentez, mais vous ne prêtez pas de faux serment. Si vous avez, par exemple, rendu à quelqu’un un service qu’il doit ignorer, qu’il vienne à s’en douter et qu’il vous pose la question en face, vous nierez ; s’il insiste, vous direz : « Non, bien certainement, non ! » S’il fallait en venir au serment, vous reculeriez, car la crainte du sacré vous arrête toujours à moitié chemin. Contre le sacré, vous êtes sans volonté propre. Vous mentez avec mesure, comme vous êtes libre « avec mesure », religieux « avec mesure » (voir la fade controverse actuelle de l’Université contre l’Église à propos des « empiètements du clergé »), monarchique « avec mesure » (il vous faut un monarque lié par une constitution, une loi fondamentale de l’État). Que tout soit gentiment tempéré, bien tiède et bien doux, tant bien que mal.

Il avait été convenu entre les étudiants d’une université que toute parole d’honneur qu’exigerait d’eux le juge universitaire serait nulle et non avenue. Ils ne voyaient, en effet, dans cette exigence qu’un piège, impossible à éviter si l’on n’enlevait pas toute signification à une parole donnée dans ces conditions. À la même université, quiconque manquait à sa parole d’honneur envers un condisciple était infâme, et quiconque avait donné sa parole au juge universitaire pouvait aller rire avec les mêmes condisciples aux dépens du juge trompé, qui se figurait qu’un serment a la même valeur entre amis et entre ennemis. Ce n’était pas tant la théorie que la nécessité pratique qui avait appris à ces étudiants à agir ainsi ; sans ce