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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/409

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Il est un domaine où il semble que le principe de l’amour ait été depuis longtemps débordé par l’égoïsme, et où il paraît ne plus manquer qu’une chose, la conscience du bon droit dans la victoire. Ce domaine est celui de la spéculation sous ses deux formes, pensée et agiotage.

On s’abandonne hardiment à sa pensée sans se demander ce qu’il en adviendra, et on se livre à toutes sortes d’opérations financières malgré le grand nombre de ceux qui souffriront peut-être de nos spéculations. Mais bien que l’on ait dépouillé le dernier reste de religiosité, de romantisme ou d’ « humanité », si une catastrophe finit par se produire, la conscience religieuse se réveille et on fait tout au moins profession d’humanité. Le spéculateur avide laisse tomber quelques sous dans le tronc des pauvres et » fait du bien » ; le penseur téméraire se console en songeant qu’il travaille au progrès du genre humain, que l’humanité se trouvera bien des ruines qu’il a faites, ou encore en se disant qu’il est « au service de l’Idée ». L’Humanité, l’Idée sont pour lui ce quelque chose dont il est obligé de dire : cela est au-dessus de moi.

On a jusqu’aujourd’hui pensé et trafiqué — pour l’amour de Dieu. Ceux qui, pendant six jours, ont tout foulé aux pieds en vue de leurs intérêts égoïstes offrent, le septième jour, un sacrifice au Seigneur ; ceux dont la pensée inexorable a bouleversé mille « bonnes causes » ne le faisaient que pour servir une autre « bonne cause », et sont obligés de penser non seulement à eux-mêmes mais à un « autre » qui doit bénéficier de leur satisfaction personnelle, au Peuple, à l’Humanité, etc. Mais cet « autre » est un être au-dessus d’eux, un être supérieur,