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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/411

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il faut qu’elle aille l’arracher à la rue et à la société de ses camarades. L’enfant préfère les relations qu’il a nouées avec ses semblables à la société dans laquelle il n’est pas entré, où il n’a fait que naître.

Mais l’union ou l’association sont la dissolution de la société. Il est vrai qu’une association peut dégénérer en société, comme une pensée peut dégénérer en idée fixe : cela a lieu quand dans la pensée s’éteint l’énergie pensante, le penser lui-même, ce perpétuel désaveu de toutes les pensées qui tendent à prendre trop de consistance. Lorsqu’une association s’est cristallisée en société, elle cesse d’être une association (car l’association veut que l’action de s’associer soit permanente), elle ne consiste plus que dans le fait d’être associés, elle n’est plus que l’immobilité, la fixité, elle est — morte comme association, elle est le cadavre de l’association, c’est-à-dire qu’elle est — société, communauté. Une analogie frappante rapproche sous ce rapport l’association du parti.

Qu’une société, l’État, par exemple, restreigne ma liberté, cela ne me trouble guère. Car je sais bien que je dois m’attendre à voir ma liberté limitée par toutes sortes de puissances, par tout ce qui est plus fort que moi, même par chacun de mes voisins ; quand je serais l’autocrate de toutes les R…, je ne jouirais pas de la liberté absolue. Mon individualité, au contraire, je n’entends pas la laisser entamer. Et c’est précisément à l’individualité que la société s’attaque, c’est elle qui doit succomber sous ses coups.

Une société à laquelle je m’attache m’enlève bien certaines libertés ; mais en revanche elle m’en assure d’autres. Il importe de même assez peu que je me prive moi-même (par exemple, par un contrat) de telle ou telle liberté. Par contre, je défendrai jalousement mon individualité.

Toute communauté a une tendance, plus ou moins grande d’après la somme de ses forces, à devenir pour ses membres une autorité, et à leur imposer des limites.