Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/423

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pas à la propriété qu’on s’attaque, mais à la propriété étrangère ; ce que l’on combat, c’est, pour former un mot qui fasse le pendant de propriété, l’aliénité. Et comment s’y prend-on ? Au lieu de transformer l’alienum en proprium et de s’approprier le bien étranger, on se donne des airs d’impartialité et de détachement, et l’on demande seulement que toute propriété soit abandonnée à un tiers (par exemple à la Société humaine). On revendique le bien étranger non pas en son nom à soi, mais au nom d’un tiers. Alors toute trace d’« égoïsme » disparaît, et tout devient on ne peut plus pur, on ne peut plus humain !

Radicale inhabilité de l’individu à être propriétaire, radicale gueuserie, telle est l’ « essence du Christianisme et de toute religiosité (piété, moralité, humanité), tel est le principe jadis voilé qu’a mis en tête de son joyeux message la « religion nouvelle ». C’est l’évolution de ce nouvel Évangile que nous avons sous les yeux dans la lutte qui se livre actuellement contre la propriété et qui doit conduire l’Homme à la victoire : la victoire de l’humanité, c’est le triomphe du — Christianisme. Et ce Christianisme « qui vient seulement d’être découvert » est la féodalité parfaite, la servitude universelle, la — parfaite gueuserie.

Est-ce donc une nouvelle « révolution » qu’appelle cette féodalité nouvelle ?

Révolution et insurrection ne sont pas synonymes. La première consiste en un bouleversement de l’ordre établi, du status de l’État ou de la Société, elle n’a donc qu’une portée politique ou sociale. La seconde entraîne bien comme conséquence inévitable le même renversement des institutions établies, mais là n’est point son but, elle ne procède que du mécontentement des hommes ; elle n’est pas une levée de boucliers, mais l’acte d’individus qui s’élèvent, qui se redressent, sans s’inquiéter des institutions qui vont craquer sous leurs efforts ni de celles qui pourront en résulter. La révolution