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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/444

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pieux, humains, etc., c’est-à-dire de les dresser. Mais ces tentatives se brisent contre l’incoercible individualité de l’égoïste. Ceux qu’on a soumis à cette discipline n’atteignent jamais leur idéal ; ils ne professent qu’en paroles les sublimes doctrines et se bornent à faire des professions de foi ; pratiquement, ils doivent bien confesser qu’ils sont tous des « pécheurs » et qu’ils restent loin en dessous de leur idéal ; ils sont de « faibles hommes » et ils se consolent en ayant conscience de la « faiblesse humaine ».

Il en va tout autrement si tu ne poursuis pas un idéal comme ta « destination », mais que tu te consumes comme le temps consume tout. La destruction n’est pas ta « destination », car elle est le présent.

Il est parfaitement vrai que la culture et la religiosité des hommes les ont libérés, mais elles ne les ont délivrés d’un maître que pour les soumettre à un autre. La religion m’a appris à réfréner mes désirs, les artifices que la science met à mon service me permettent de vaincre la résistance du monde, et je ne reconnais même plus en aucun homme mon maître : « Je ne suis le serviteur de personne. » Seulement, il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. Plus je suis affranchi des impulsions déraisonnables de l’instinct et plus docilement j’obéis à la maîtresse — Raison. J’ai gagné la « liberté spirituelle », la « liberté de l’Esprit », et je suis devenu par là même l’esclave de l’Esprit. L’Esprit me commande, la Raison me guide ; ils me conduisent et me gouvernent, et les « raisonnables », les « serviteurs de l’Esprit », sont leurs ministres. Mais si je ne suis pas chair, je ne suis pas non plus esprit. La liberté de l’Esprit est ma servitude, parce que je suis plus que chair et plus qu’esprit.

La culture m’a rendu puissant, cela ne souffre non plus aucun doute. Elle m’a donné un pouvoir sur tout ce qui est force, aussi bien sur les impulsions de ma nature que sur les assauts et les violences du monde