Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/472

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que chaque époque eut sa vérité ? Mais par là même vous créez proprement une « vérité absolue », une vérité qui ne manque à aucune époque parce que chacune, quelle que soit sa vérité, en a une.

Suffit-il de dire qu’on a de tout temps pensé et qu’on a, par conséquent, eu des pensées et des vérités, autres à chaque époque qu’à l’époque précédente ? Non, on doit dire que chaque époque eut sa « vérité de foi », et il est un fait, c’est qu’on n’en a jamais vu aucune où l’on ne reconnût une « vérité suprême » devant laquelle on se croyait obligé de s’incliner comme devant la « souveraine majesté ». La vérité d’une époque en est l’idée fixe ; lorsqu’un jour vient où l’on trouve une autre vérité, on ne la découvre que parce qu’on en cherchait une autre : on ne faisait que réformer sa folie et l’habiller à neuf. Car on voulait être « inspiré » par une idée, on cherchait à être dominé — possédé par une pensée. Le dernier-né de cette dynastie est « notre essence » ou l’ « Homme ».

Pour toute critique libre, le critérium était une pensée ; pour la critique propre, égoïste, le critérium, c’est Moi, Moi l’indicible et, par conséquent, l’impensable (car le pensé est toujours exprimable attendu que parole et pensée coïncident). Est vrai ce qui est mien ; est faux ce dont je suis la propriété ; vraie par exemple est l’association, faux sont l’État et la société *. La « libre et vraie » critique travaille à la domination logique d’une pensée, d’une idée, d’un Esprit ; la critique « propre » ne travaille qu’à ma jouissance. En cela, elle se rapproche — et nous ne voudrions