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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/482

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Nulle idée n’a d’existence, car nulle n’est susceptible de corporalité. La controverse scolastique du Réalisme et du Nominalisme n’eut pas d’autre objet ; bref, ce problème traverse d’un bout à l’autre l’histoire chrétienne et ne peut trouver en elle sa solution.

Le monde chrétien travaille à réaliser des Idées dans toutes les circonstances de la vie individuelle et dans toutes les institutions et les lois de l’Église et de l’État ; mais toujours ces Idées résistent à ses tentatives et toujours il leur reste quelque chose qu’il n’est pas possible de rendre corporel (d’irréalisable) ; avec quelque ardeur qu’on s’efforce de les doter d’un corps, toujours elles demeurent sans réalité tangible.

Le « réalisateur » d’idées s’inquiète peu des réalités, pourvu que ces réalités incarnent une idée ; aussi examine-t-il sans relâche si l’idée qui doit en être le noyau les habite ; en éprouvant le réel, il prouve en même temps l’idée, et il vérifie si elle est bien réalisable comme il la pense, ou si elle n’est pensée par lui qu’à tort et par suite inexécutable.

En tant qu’existences, la Famille, l’État, etc., n’intéressent plus le Chrétien ; les Chrétiens ne doivent pas, comme les Anciens, se sacrifier pour ces « divines choses », celles-ci ne doivent qu’être employées à faire vivre l’Esprit en elles. La famille réelle est devenue indifférente, et une famille idéale (vraiment réelle) en doit naître : famille sainte, bénie de Dieu, ou, en style libéral, « raisonnable » ou rationnelle. Pour les Anciens, la Famille, la Patrie, l’État, etc., sont actuellement divins ; pour les Modernes, ils attendent la divinisation, et ne sont sous leur forme présente que coupables et terrestres : ils doivent être « délivrés », et cette rédemption les fera vraiment réels. En d’autres termes, ce ne sont point la Famille, etc., qui sont le présent et le réel, mais le divin, l’idée ; la question est de savoir si telle famille pourra devenir réelle par l’opération du véritable réel, de l’idée. L’individu n’a pas pour devoir de servir la