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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/63

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Longtemps avant la Réforme, on était si bien accoutumé aux subtiles controverses, que le Pape, et presque tous avec lui, ne crurent d’abord assister, lorsque Luther entra en scène, qu’à une simple « querelle de moines ».

L’humanisme répond à la sophistique : c’est au temps des Sophistes que la vie grecque atteignit son plein épanouissement (siècle de Périclès) ; de même l’époque de l’humanisme, que l’on pourrait peut-être appeler aussi l’époque du machiavélisme, fut un apogée dans l’histoire de la civilisation (découverte de l’imprimerie, du Nouveau Monde, etc.).

Le cœur était, à ce moment, bien éloigné encore de toute velléité de se débarrasser de son contenu chrétien. Mais la Réforme prit enfin, comme l’avait fait Socrate, le cœur au sérieux, et les cœurs à dater de ce jour ont, à vue d’œil, cessé d’être chrétiens. Du moment qu’on commençait avec Luther à remettre le cœur en question, ce premier pas dans la voie de la Réforme devait aboutir à ce que lui aussi s’allégeât du fardeau écrasant des sentiments chrétiens. De jour en jour moins chrétien, le cœur perdit ce qui l’avait rempli et occupé jusque-là, si bien qu’il ne lui resta plus enfin qu’une cordialité vide, l’amour tout général de l’Homme, de l’Humanité, le sentiment de la liberté, la « Conscience ».

Le Christianisme atteint ainsi le terme de son évolution, parce qu’il s’est dénudé, atrophié et vidé. Le cœur n’a plus rien en lui qui ne le révolte, à moins de surprise ou d’inconscience. Il soumet à une critique mortelle tout ce qui prétend l’émouvoir ; il n’a ni ménagements ni pitié. Il n’est capable ni d’amitié ni d’amour. Et que pourrait-il aimer chez les hommes ? Tous sont des « égoïstes », nul n’est vraiment l’Homme, le pur esprit ; le Chrétien n’aime que l’esprit, mais où est-il le pur esprit ?

Aimer l’homme corporel, en chair et en os, ne serait plus un amour « spirituel », ce serait une trahi-