Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/84

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Majesté, l’Honneur, le Bien public, l’Ordre, la Patrie, etc.


LA MAROTTE

Homme, ta cervelle est hantée, tu bats la campagne ! Dans tes rêves démesurés, tu te forges tout un monde divin, un royaume des Esprits qui t’attend, un Idéal qui t’invite. Tu as une idée fixe !

Ne crois pas que je plaisante ou que je parle par métaphore, quand je déclare radicalement fous, fous à lier, tous ceux que l’infini, le surhumain tourmente, c’est-à-dire, à en juger par l’unanimité de ses vœux, à peu près toute la race humaine. Qu’appelle-t-on en effet une « idée fixe » ? Une idée à laquelle l’homme est asservi. Lorsque vous reconnaissez l’insanité d’une telle idée, vous enfermez son esclave dans une maison de santé. Mais que sont donc la Vérité religieuse dont il n’est pas permis de douter, la Majesté (celle du Peuple, par exemple) que l’on ne peut secouer sans lèse-majesté, la Vertu, à laquelle le censeur, gardien de la moralité, ne tolère pas la moindre atteinte ? Ne sont-ce point autant d’ « idées fixes » ? Et qu’est-ce, par exemple, que ce radotage qui remplit la plupart de nos journaux, sinon le langage de fous que hante une idée fixe de légalité, de moralité, de christianisme, fous qui n’ont l’air d’être en liberté que grâce à la grandeur du préau où ils prennent leurs ébats ? Essayez donc d’entreprendre un tel fou au sujet de sa manie, immédiatement vous aurez à protéger votre échine contre sa méchanceté ; car ces fous de grande envergure ont encore cette ressemblance avec les pauvres gens dûment déclarés fous qu’ils se ruent haineusement sur quiconque touche à leur marotte. Ils vous volent d’abord votre arme, ils vous volent la liberté de la parole, puis ils se jettent sur vous les griffes en avant. Chaque jour montre mieux la lâcheté et la rage de ces maniaques, et le peuple, comme