Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/96

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moral s’évanouit et l’on assure que c’est avec un plaisir tout particulier qu’on a entendu cette vaillante parole : — approbation hypocrite. Bref, on voudrait tenir l’un, mais ne pas lâcher l’autre ; on veut vouloir librement, mais on n’entend pas, à Dieu ne plaise, cesser de vouloir moralement. — Voyons, Libéraux, vous voilà en présence d’un de ces adversaires dont vous méprisez la servilité ; nous vous écoutons : vous atténuez l’effet de chaque mot un peu libéral par un regard, de la plus loyale fidélité ; lui habille son servilisme des plus chaudes protestations de libéralisme. Maintenant, séparez-vous ; chacun pense de l’autre : je te connais, masque ! Il a flairé en vous le Diable, aussi bien que vous avez flairé en lui le vieux Bon Dieu.

Un Néron n’est « mauvais » qu’aux yeux des bons ; à mes yeux, il est simplement un possédé, comme les bons eux-mêmes. Les bons voient en lui un franc scélérat et le vouent à l’enfer. Comment se fait-il que rien ne se soit opposé à ses caprices ? Comment a-t-on pu tant supporter ? Les Romains domestiqués valaient-ils un liard de plus pour se laisser fouler aux pieds par un tel tyran ? Dans l’ancienne Rome, on l’eût immédiatement supprimé, et on ne fût jamais devenu son esclave. Mais les « honnêtes gens » de son temps se bornaient, dans leur moralité, à lui opposer leurs vœux, et non leur volonté. Ils chuchotaient que leur empereur ne se soumettait pas comme eux aux lois de la Morale, mais ils restaient des « sujets moraux », en attendant que l’un d’eux osât passer franchement par-dessus « ses devoirs de sujet obéissant ». Et tous ces « bons Romains », tous ces « sujets soumis », abreuvés d’outrages par leur manque de volonté, d’acclamer aussitôt l’action criminelle et immorale du révolté.

Où était, chez les « bons », le courage de faire la Révolution, cette Révolution qu’ils vantent et exploitent aujourd’hui, après qu’un autre l’a faite ? Ce courage