Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/203

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droit en général. Je veux être tout ce que je puis être, je veux avoir tout ce que je puis avoir. Que m’importe que les autres aient et soient quelque chose de semblable ? Ils ne peuvent avoir également, identiquement, ils ne peuvent être égaux, identiques. Je ne leur porte pas plus atteinte que je ne porte dommage au rocher parce que j’ai sur lui « la supériorité » du mouvement. S’ils pouvaient avoir ce que j’ai, ils l’auraient.

Pour ne léser personne, la condition essentielle est de ne posséder aucun privilège ; renoncer à tout avantage, c’est la pure théorie du renoncement. On ne doit pas se considérer comme « quelque chose de particulier » par exemple comme juif ou chrétien. Quant à moi maintenant je ne me considère plus ainsi, mais je me tiens pour unique. Certes j’ai de l’analogie avec les autres ; mais cette analogie n’a de valeur que pour la comparaison ou la réflexion ; en fait, je suis incomparable, unique. Ma chair n’est pas votre chair, mon esprit n’est pas votre esprit. Si vous les réunissez sous les termes généraux de « chair » et « esprit », ce sont là vos pensées qui n’ont rien à faire avec ma chair et mon esprit, n’ont rien à prétendre sur mon moi.

Je ne veux rien reconnaître ou respecter en toi, ni le propriétaire, ni le gueux, pas même l’homme, mais de toi je veux seulement user. Je trouve que le sel donne du goût à mes aliments, c’est pourquoi je l’y mêle, je reconnais que le poisson est une chair excellente, c’est pourquoi je m’en nourris, en toi je découvre le don de m’égayer la vie, c’est pourquoi je te choisis pour compagnon. Ou bien j’étudie dans le sel la cristallisation, dans le poisson, l’animalité, en toi, l’homme, etc., pour moi tu n’es que ce que tu es pour moi, c’est-à-dire mon objet, et, parce que mon objet, ma propriété.