Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/245

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libéral et n’est pas un égoïste inconscient — il se rend ainsi la fraternité très facile : ce n’est pas Hans duquel il ne sait rien et ne veut rien savoir qu’il aime en toi, mais l’Homme.

Ne pas voir autre chose entre toi et moi que des « hommes » c’est pousser à l’extrême la conception chrétienne suivant laquelle chacun n’est rien qu’un concept pour l’autre (par exemple, un être appelé à la félicité, etc.).

Le christianisme proprement dit nous rassemble encore sous une autre conception moins générale : Nous sommes les « enfants de Dieu » et « l’esprit de Dieu nous anime » . Tous cependant ne peuvent se vanter d’être enfants de Dieu, mais « ce même esprit qui témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu manifeste aussi quels sont les enfants du Diable[1] » . Par conséquent un homme pour être enfant de Dieu ne devrait pas être l’être du Diable ; la filiation divine exclurait certains hommes. Au contraire pour être enfants de l’Homme, c’est-à-dire être hommes, nous n’avons besoin que d’appartenir à l’espèce humaine, nous n’avons besoin que d’être des spécimens de cette espèce. Mon moi t’importe peu à toi, bon libéral, il n’est que ma cause privée ; il te suffit que nous soyons tous deux enfants d’une même mère, l’espèce humaine ; comme enfant de l’homme, je suis ton égal.

Que suis-je maintenant pour toi ? Ce moi corporel, ce moi qui va et qui marche ? Rien moins que cela. Ce moi corporel avec ses pensées, ses résolutions, ses passions est à tes yeux une cause privée, qui ne te regarde pas, elle est « cause pour soi ». En tant que cause pour toi, il n’existe que mon concept, mon concept de

  1. Aux Romains, 8, 14.