Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/248

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tâche que de réaliser « l’Homme », « l’Homme vrai ». Nous voyons alors que nous étions le jouet d’une illusion quand nous croyions que le christianisme attribuait au moi une valeur infinie, par exemple dans les doctrines de l’immortalité, du salut de l’âme, etc. Non, cette valeur il ne la confère qu’à l’Homme. L’Homme seul est immortel, et c’est seulement parce que je suis Homme, que je suis immortel. En fait, le christianisme devrait aussi enseigner que personne ne meurt tandis que le libéralisme égalise tous les êtres humains comme Hommes ; mais cette éternité comme cette égalité, n’intéresse que l’Homme en moi, non moi. C’est seulement parce que je porte et héberge l’Homme en moi que je ne meurs pas, car on sait que « le roi ne meurt pas ». Louis meurt, mais le roi reste ; je meurs, mais mon esprit, l’Homme, subsiste. Maintenant pour m’identifier entièrement à l’Homme, on a inventé et établi la prétention suivante : Je dois devenir « un être réel de l’espèce »[1].

La religion Humaine n’est que la dernière métamorphose de la religion chrétienne. Car le libéralisme est religion parce qu’il sépare mon être de moi-même et le place au-dessus de moi, parce qu’il exalte « l’Homme » autant qu’une religion quelconque exalte son Dieu ou son idole, parce qu’il en fait un au-delà, parce qu’il fait généralement de tout ce qui est mien, de mes qualités, de ma propriété, quelque chose d’étranger à moi, une « essence », bref parce qu’il me place parmi les hommes et me crée par là une « mission » ; mais le libéralisme se manifeste encore comme religion quand il exige le zèle de la foi pour cet être suprême, « l’Homme », une foi qui prouvera enfin son zèle ardent, un zèle que rien

  1. P. ex. Marx dans les deutsch-frans, Iahrb., p. 197.