Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/26

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atroce. La loi est d’une ambiguïté jésuitique sur les faits qui constituent une atteinte à la liberté. Et je lis, à la date du 2 octobre 1890, cette simple note de l’agence Havas qui donne à penser : Dépêche de Carmaux : « On a arrêté une femme Fréjet qui avait tenu à des ouvriers se rendant à leur travail des propos considérés comme portant atteinte à la liberté du travail. »

Le livre de Stirner est la plus forte expression de dégoût de l’hypocrisie sociale contemporaine ; en cela, c’est un livre sain. L’individualisme est né avec les doctrines d’examen. Les puissances établies se sont bien gardées de contrarier ces tendances nouvelles. Insensiblement elles ont établi l’harmonie entre les aspirations idéalistes nées du christianisme et les instincts égoïstiques. On a simplement rendu plus étroit le lien entre l’individu et l’État, on les a fait corrélatifs l’un de l’autre. On a inventé la monade sociale. L’individu a été fondu dans une individualité supérieure où il disparaît. Il se perd volontairement pour se retrouver dans un au-delà qu’on lui représente comme la réalisation la plus haute de lui-même. On ne lui parle plus d’une Jérusalem céleste. On lui montre le but plus proche et plus réel ; souffrir encore quelques générations pour y atteindre : « pas de révolution, évolution » etc., etc… Et, pendant ce temps, les foules demi-sceptiques, mais ayant pris depuis tant de siècles le pli de l’obéissance, s’écoulent passives, annihilées, l’échine courbée devant les Personnalités de Respect.

C’est contre cet anéantissement que Stirner s’insurge, et c’est au moment où naissent les grandes collectivités qu’il crie à l’individu « Fais-toi valoir », formule qu’il inscrit au seuil des temps nouveaux. Au moment où les membres épars de l’Allemagne se rapprochaient et tendaient confusément vers la grande unité aujourd’hui réalisée, il annonce la mort de l’Allemagne et la disparition des peuples qui recouvrent des millions d’individus souverains : « Mort est le peuple. Bonjour, Moi ! »

L’exaltation de Stirner est directement opposée à celle de ses contemporains. Il a l’horreur des collectivités et il