Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/27

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n’en épargne aucune, pas même la société collectiviste qu’il appelle le régime des gueux, « Lumpengesellschaft ». Car c’est toujours pour lui l’État chrétien, il n’y a que le suzerain de changé. À Dieu on substitue simplement l’Être collectif qui étouffera plus sûrement l’individu.

Il faut que l’individu se fasse une vie « à part », qu’il se tienne isolé de tous les groupements qui ne connaissent que le membre participant et ne tiennent pas compte des êtres uniques que Moi et Toi nous sommes. Aussi Stirner ne s’embarrasse-t-il pas des systèmes sociaux et se garde-t-il bien de construire comme les autres sa Salente. Tout au plus entrevoit-il pour l’avenir la dissolution de tous les corps collectifs que remplacerait une association éternellement en devenir, jamais fixée, où l’individu entre et sort sans jamais engager son individualité. Il s’oblige seulement à certains services en retour d’autres de la part de l’association, échange qui cesse quand il lui plaît. Mais surtout il doit veiller à ne pas se laisser saisir par la société qui, étant une « cristallisation de l’association », le fixe désormais en une forme géométrique donnée, définitive, immuable, identique pour tous les cristaux intégrants que sont les membres de la communauté, les citoyens, etc. D’ailleurs il ne parle de cette association que d’une manière très générale. Il ne regarde pas trop loin en avant, de peur d’être saisi lui-même par l’Idée et d’être « possédé » à son tour.

Stirner est un destructeur d’enthousiasme. Il souffle sur les auréoles et ne nous laisse qu’une vue exacte et glacée du monde. Il ne nie pas l’idée ; mais, connaissant l’histoire, il a quelque défiance. Quand une idée généreuse apparaît, qu’on parle de la fusion des petites patries dans la plus grande Patrie, de la Fraternité des peuples, d’une ère de justice et d’amour, la terre tressaille, entrouvre ses flancs pour recevoir les hécatombes humaines qui vont être fauchées au nom de l’Idée. Épaminondas veut réaliser l’apaisement définitif et l’unité fédérale de la Grèce, il annonce l’Hellénisme. Cette noble idée a son résultat immédiat : les luttes entre les divers peuples grecs deviennent plus âpres que jamais. Épaminondas passe sa