Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/327

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Celui qui passe d’un parti à l’autre est traité aussitôt de « transfuge ». Car la morale exige que l’on tienne à son parti, et le déserteur est flétri du nom de « Renégat ». Seule l’individualité ne connaît aucun commandement de fidélité, de dépendance, elle permet tout, même l’abjuration, l’apostasie. Inconsciemment les gens moraux eux-mêmes se laissent conduire par ce principe, lorsqu’il s’agit de juger la conduite de ceux qui se convertissent à leur parti ; ils n’ont pas scrupule de faire des prosélytes ; seulement ils devraient avoir conscience que pour agir par soi-même il faut agir immoralement, c’est-à-dire ici, qu’il faut devenir infidèle, rompre même son serment, afin de prendre soi-même une détermination au lieu de se laisser déterminer par des considérations morales. Aux yeux des gens d’une moralité sévère, le converti a toujours une couleur équivoque et ne gagne pas facilement la confiance, il porte toujours la tare « d’infidélité », c’est-à-dire qu’il est taxé d’immoralité. Dans la basse classe, cette manière de voir est presque générale ; les gens éclairés sont, comme toujours, incertains et embarrassés, et en raison de la complexité de leurs idées, ils n’ont pas une conscience très claire de la contradiction issue nécessairement du principe de moralité. Ils ne se risquent pas à appeler carrément immoral, l’apostat, parce que l’on est induit à l’apostasie, à l’abandon d’une religion, par une autre religion, et cependant ils ne peuvent abandonner le point de vue moral. Ici pourtant ce serait l’occasion de franchir les limites de la morale.

Mais les êtres uniques, s’appartenant en propre, sont-ils un parti ? Comment pourraient-ils s’appartenir en propre, s’ils appartenaient à un parti ?

Ou bien doit-on n’appartenir à aucun parti ? En y