Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/365

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servir à ma guise et me faut-il attendre seulement la part qui me revient d’une égale répartition ?

En face de la concurrence se dresse le principe de la société des gueux, la répartition.

L’individu ne peut supporter d’être considéré comme une simple partie de la société, parce qu’il est plus, son caractère unique lui défend cette acception limitée.

C’est pourquoi il n’attend pas que sa fortune lui soit attribuée par les autres car, dans la société des travailleurs, naît déjà le soupçon qu’une égale répartition entraînera l’exploitation des forts par les faibles ; il attend bien plutôt sa fortune de soi et dit alors : ce que je puis avoir, voilà ma fortune, quels moyens ne possède pas l’enfant dans son sourire, dans ses jeux, dans ses cris, bref dans tout son petit être ? Peux-tu résister au moindre de ses désirs, mère lui refuseras-tu le sein, père ne lui donneras-tu pas de ton bien, autant qu’il a besoin ? Il vous contraint, c’est pourquoi il possède ce que vous nommez vôtre. Si je m’intéresse à ta personne tu me paies déjà avec ton existence ; si j’ai seulement affaire à une de tes qualités, ta complaisance ou ton assistance a pour moi une valeur (valeur d’argent) et je l’achète.

Si tu ne sais te donner à mes yeux qu’une valeur d’argent, le cas peut alors se présenter, comme nous l’enseigne l’histoire, que des enfants de la terre d’Allemagne soient achetés et envoyés en Amérique. Ceux qui s’offraient en vente devaient-ils avoir plus de prix pour l’acheteur ? Pour lui, les espèces sonnantes valaient mieux que cette denrée vivante qui ne savait pas se rendre précieuse à ses yeux. Qu’il ne découvrît pas d’autre valeur en elle, c’était là certes une lacune dans ses facultés ; mais un rustre ne peut donner plus qu’il