Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/384

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mesure que la liberté de conscience s’est propagée, le Dieu jaloux, l’« unique maître » s’est peu à peu résolu en un « Être Suprême » assez général et il a suffi à la tolérance humaine que chacun crût à quelque chose.

Ramenée à son expression la plus humaine, cette chose sainte c’est « l’homme » même, l’humain.

D’après l’apparence trompeuse qui nous montre l’humain comme étant absolument notre chose propre, et libre de tout l’au-delà inhérent au divin, comme étant autant que moi ou toi, la fière illusion peut naître qu’il ne va plus être longtemps question de la chose sainte et que nous nous sentirons partout chez nous et non plus dans un monde étrange, c’est-à-dire en pleine sainteté et dans les transes sacrées : dans l’enchantement que l’on éprouve « d’avoir enfin découvert l’homme » on n’entend pas l’appel douloureux de l’égoïste, et l’on prend pour son vrai moi le fantôme avec lequel on est devenu si familier.

Mais « Humanus signifie le saint » a dit Gœthe. L’humain, c’est la chose sainte arrivée à son dernier degré de pureté.

L’égoïste s’exprime exactement en sens inverse. C’est précisément parce que tu tiens quelque chose pour sacré que je te crible de mes sarcasmes et si j’estime tout en toi, je n’ai aucune considération pour ta sainteté.

Ces points de vue opposés entraînent des attitudes antagonistes en face des biens spirituels : l’égoïste les insulte, l’homme religieux (c’est-à-dire quiconque place au-dessus de soi « son être ») doit conséquemment les défendre. Quels sont les biens spirituels que l’on défend, quels sont ceux qu’on doit laisser sans