Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/401

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frir l’homme individuel, l’égoïste ; votre amour de l’Homme est son tourment.

Si je vois souffrir l’aimé, je souffre avec lui et je n’ai pas de repos que je n’aie tout tenté pour le consoler et le rasséréner ; si je le vois joyeux, je suis moi aussi joyeux que sa joie. Il ne s’ensuit pas que la même cause produise chez moi les mêmes effets qu’en lui, joie ou peine, et la douleur physique montre bien que je ne sens pas comme lui : il souffre des dents, je ne souffre que de sa souffrance.

Comme je ne puis supporter ces plis soucieux au front de l’aimé, je les chasse d’un baiser, mais c’est pour me satisfaire moi-même. Si je n’aimais pas cet homme, il pourrait me montrer un front toujours sombre, je ne m’en soucierais. C’est mon chagrin seulement que je veux dissiper.

Comment maintenant une personne ou une chose que je n’aime pas a-t-elle un droit à être aimée de moi ? Qui passe avant, mon amour ou son droit ? Parents, famille, patrie, peuple, ville natale, etc., en général mes semblables (« frères, fraternité »), affirment avoir un droit à mon amour et le revendiquent sans voir plus loin. Ils le considèrent comme leur propriété et si je ne la respecte pas, ils me regardent comme un voleur qui leur ravit leur bien. Je dois aimer. Si l’amour est un commandement, une loi, je dois y être dressé, élevé ; si j’y porte atteinte, je dois être châtié. Par suite, on exercera sur moi les plus fortes « influences morales » pour m’amener à aimer. Et il n’y a pas de doute que l’on ne puisse exciter et entraîner les hommes à l’amour comme aux autres passions, à la haine, par exemple. La haine court à travers des générations entières simplement parce que les ancêtres de l’un appar-