Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/41

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Mais si l’esprit est reconnu comme l’essentiel, il y a cependant une distinction à faire suivant que l’esprit est pauvre ou riche et l’on cherche par suite à devenir riche en esprit : l’esprit veut s’étendre, fonder son royaume qui n’est pas de ce monde, ce monde qu’il a vaincu. Il aspire donc à devenir tout dans tout, autrement dit, bien que je sois esprit, je ne suis pas cependant esprit accompli et je dois chercher l’esprit parfait.

Mais ainsi, moi qui venais de me trouver comme esprit, je me perds de nouveau en m’inclinant devant un esprit parfait qui n’est pas propre à moi-même, mais qui est un au-delà et je sens le vide.

À vrai dire, tout se ramène à l’esprit. Mais tout esprit est-il l’Esprit véritable. L’esprit juste et vrai est l’idéal de l’Esprit, le « Saint-Esprit ». Ce n’est ni mon ni ton esprit, mais un esprit idéal, de l’au-delà, il est « Dieu », « Dieu est Esprit ». Et cet au-delà, « Le Père dans le Ciel le donne à ceux qui le lui demandent[1] ».

Ce qui distingue l’homme du jeune homme, c’est qu’il prend le monde comme il est, au lieu de le voir partout en mal et de vouloir l’améliorer, c’est-à-dire le modeler sur son idéal ; en lui se fortifie cette opinion qu’il faut dans le monde suivre son intérêt, non ses idéals.

Tant que l’homme ne s’affirme que comme esprit et ne fait cas que d’être esprit (le jeune homme fait bon marché de sa vie, de la vie « corporelle », pour un rien, pour la plus sotte insulte), il n’a que des pensées, des idées qu’il espère pouvoir réaliser un jour quand il aura trouvé son cercle d’action ; mais en attendant il

  1. Saint Luc, 11, 13.