Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/414

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à la faiblesse et à la superstition de François qui ne lui permettraient pas d’agir contre son serment ; mais François déçut ces calculs trop crédules. Quand Charles croyait s’assurer de son ennemi par un serment, il le libérait de tout engagement. Charles attribuait au roi un esprit stupide, une conscience étroite et comptait, sans avoir confiance en François, sur sa bêtise et sa conscience : il le fit sortit de sa prison de Madrid pour l’enfermer d’autant plus sûrement dans la prison de sa conscience, la grande geôle édifiée par la religion et l’esprit des hommes ; il le renvoya en France chargé de chaînes invisibles. Quoi d’étonnant si François chercha à s’échapper et à rompre ses chaînes ! Aucun homme n’eût pris à mal qu’il se fût enfui de sa prison de Madrid, car il était au pouvoir de l’ennemi, mais tout bon chrétien crie malheur à lui ! parce qu’il a voulu s’affranchir des liens de Dieu.

Il est méprisable de tromper la confiance que nous provoquons librement, mais en présence de celui qui veut par un serment nous réduire en son pouvoir, il n’y a aucune honte pour l’égoïsme à le laisser se perdre dans l’insuccès de sa ruse. Tu as voulu me lier, eh bien !, apprends que je saurai briser mes liens.

Tout dépend de savoir si, à qui se confie à moi, je donne droit à ma confiance. Si tel qui poursuit mon ami vient me demander où il s’est enfui, je le mettrai certainement sur une fausse piste. Pour ne pas être traître envers un ami, je préfère mentir à un ennemi. Certes, je pourrais répondre courageusement : je ne veux pas le dire (Fichte résoud ainsi le cas) ; je sauverai par là mon amour de la vérité et je ferai pour mon ami à peu près autant que rien, car si je n’induis pas l’ennemi en erreur, il peut par hasard trouver la bonne route et