Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/421

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tant je dois la laisser borner par des puissances de toutes sortes, par tout homme plus fort que moi et même par chacun de mes semblables, quand bien même je serais l’autocrate de toutes les Russies, je ne jouirais cependant pas de la liberté absolue. Mais mon individualité, je ne me la laisserai pas ravir. Et c’est précisément parce que toute Société a l’œil sur l’individualité, qu’elle doit succomber sous sa puissance.

À la vérité la société dont je fais partie me prend maintes libertés mais m’en garantit d’autres ; il n’y a rien à dire aussi si j’abandonne telle ou telle liberté (par contrat, par exemple). Au contraire je tiens jalousement à mon individualité. Toute communauté a la tendance plus ou moins accentuée, suivant le pouvoir qu’elle possède, à devenir une autorité pour ses membres et à leur imposer des limites : elle désire et doit désirer « des sujets à l’esprit borné », elle doit désirer que ses adhérents lui soient assujettis, soient ses « sujets », elle ne subsiste que par la « sujétion ». Il n’y a aucunement besoin d’ailleurs qu’une certaine tolérance soit exclue ; au contraire, la société accepte bienveillamment les corrections, les indications et le blâme, autant qu’elle peut en tirer profit ; mais le blâme doit être « bien intentionné » il ne doit pas être « impudent et irrespectueux », en d’autres termes on doit laisser intacte la substance de la société et la tenir pour sacrée. La société exige que ses adhérents ne la dépassent pas et ne s’élèvent pas au-dessus d’elle, mais qu’ils restent « dans les limites de la légalité », c’est-à-dire qu’ils ne se permettent pas plus que la société et les lois ne leur permettent.

Il y a à distinguer si la société limite ma liberté ou mon individualité. S’il ne s’agit que du premier cas,