Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/422

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elle est une union, une convention, une association ; mais si elle menace l’individualité, elle est une puissance en soi, une puissance au-dessus de moi, quelque chose d’inaccessible pour moi que je puis certes admirer, adorer, vénérer, respecter mais non dompter et absorber, chose que je ne puis faire justement par ce que je me résigne. Elle subsiste par ma résignation, par mon renoncement à moi-même, ma lâcheté que l’on nomme humilité[1]. Mon humilité fait son courage, ma résignation lui donne la domination.

Mais relativement à la liberté il n’y a entre l’État et l’association aucune différence. Cette dernière pour naître et subsister a besoin que la liberté soit limitée en tous sens, de son côté l’État ne s’accorde pas avec une liberté illimitée. Cette limitation est partout inévitable car on ne peut pas s’affranchir de tout ; on ne peut pas voler comme un oiseau parce qu’il ne suffit pas de vouloir, et qu’on ne peut pas se libérer de sa propre pesanteur ; on ne peut rester à volonté sous l’eau comme un poisson, parce qu’on ne peut se passer de respirer, etc. La religion et principalement le christianisme a tourmenté l’homme en lui imposant la réalisation de choses hors-nature et absurdes ; la pure conséquence de cette outrance a été que finalement la liberté même, l’absolue liberté, est devenue idéal, et qu’ainsi la folie de l’impossible est apparue en plein jour. Certes, l’association présente une plus grande mesure de liberté, si bien qu’on peut la considérer elle-même comme « une nouvelle liberté » parce que par elle on échappe à toute la contrainte particulière de la vie de l’État et de la société ; mais elle contient encore une limitation suffi-

  1. Jeu de mots intraduisible sur Muth courage et Demuth humilité.