Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/441

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d’un bonheur humain général, bref un idéal. On oppose les philosophes aux hommes religieux. Mais ont-ils pensé à quelqu’autre chose qu’à un idéal, ont-ils médité sur autre chose que sur le moi absolu ? Partout aspiration et espérance, et rien autre. Nous appellerons cela du romantisme.

Si la joie de vivre doit triompher sur le désir ou l’espoir de vivre, elle doit le vaincre dans sa double signification que nous décrit Schiller dans « l’idéal de la vie », écraser la misère spirituelle et temporelle, extirper l’idéal — et le besoin de pain quotidien. Celui qui doit sacrifier sa vie, pour prolonger la vie, ne peut en jouir et celui qui est à la recherche de la vie ne l’a pas et ne peut pas plus en jouir : tous deux sont pauvres « mais bienheureux sont les pauvres ».

Ceux qui ont faim de la vraie vie, n’ont aucun pouvoir sur leur vie présente, mais doivent l’employer à gagner la vraie vie, et se sacrifier entièrement à cet objet, à cette tâche. Si ces religieux qui espèrent une vie au-delà et considèrent celle d’ici-bas uniquement comme une préparation à l’autre, voient assez nettement la servitude de leur existence terrestre, qu’ils consacrent exclusivement au service de la vie céleste espérée, ce serait une erreur de croire que les gens les plus instruits et les plus éclairés font de moindres sacrifices. « La vraie vie » a pourtant une signification beaucoup plus vaste que « la vie céleste ». Ainsi pour en présenter tout de suite la conception libérale, la « vie humaine », « vraiment humaine » n’est-elle pas la vraie vie ? Et chacun de par sa naissance même mène-t-il cette existence vraiment humaine ou faut-il qu’il s’y élève au prix de durs efforts ? A-t-il actuellement cette vie, ou doit-il y tendre comme vers une