Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/447

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prend des proportions plus générales et plus vastes.

Vous, pauvres êtres, qui vivriez si heureux si vous pouviez sauter à votre fantaisie, vous êtes obligés de danser en cadence au sifflet du maître d’école et du montreur d’ours et de faire des tours dont vous vous dispenseriez, livrés à vous-mêmes. Et vous ne protestez même pas de ce que l’on vous prend pour tout autres que vous vous donnez. Non, vous vous posez mécaniquement à vous-mêmes les questions proposées : « À quoi suis-je appelé ? Que dois-je ? » Ainsi vous n’avez besoin que d’interroger pour vous faire dire et commander ce que vous devez faire, vous laisser prescrire votre mission, ou encore vous commander et vous imposer à vous-mêmes cette mission qui doit être conforme aux prescriptions de l’Esprit. La volonté signifie alors : je veux ce que je dois.

— Un homme n’est appelé à rien et n’a aucune « tâche », aucune « destination », pas plus qu’une plante ou qu’une bête n’a de « mission ». La fleur n’a pas la mission de s’épanouir, mais elle emploie toutes ses forces à jouir de ce monde et cherche à l’absorber, c’est-à-dire qu’elle pompe de la terre autant de sève, de l’éther autant d’air, du soleil autant de lumière qu’elle peut en recevoir, en emmagasiner en elle. L’oiseau n’a pas de mission, mais il emploie ses forces comme il peut : il happe des insectes et chante à cœur joie. Mais comparées à celles de l’homme, les forces de la plante et de l’oiseau sont moindres et l’homme qui emploie ses forces aura sur le monde une prise autrement puissante qu’ils n’ont. Il n’a pas de mission, mais il a des forces qui se manifestent où elles sont, parce que leur existence consiste uniquement dans leur manifestation, et qu’elles peuvent aussi peu demeurer inactives que la