Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/448

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vie qui, si elle « s’arrêtait » seulement une seconde, ne serait plus la vie. Aujourd’hui, on pourrait crier à l’homme : emploie tes forces. Le sens de cet impératif serait que la tâche de l’homme est d’employer ses forces. Cela n’est pas. Chacun use réellement de ses forces sans considérer que ce soit là sa mission : à tout moment chacun met en œuvre autant de force qu’il en possède. On dit bien d’un vaincu qu’il aurait dû déployer plus d’énergie, mais on oublie que si au moment où il succombe il avait eu la force de tendre plus ses forces, par exemple ses forces physiques, il n’eût pas succombé : pendant une minute seulement il manqua de courage, il manqua aussi de force dans le même instant. Certes les forces peuvent croître en acuité et se multiplier, particulièrement par la résistance de l’ennemi ou l’appui de l’ami ; mais où l’on remarque qu’elles n’ont pas été mises en œuvre, on peut être certain de leur absence. On peut d’une pierre faire feu, mais sans le coup il ne vient rien ; de même pour l’homme, le choc est nécessaire.

Les forces manifestant d’elles-mêmes une activité incessante, il est superflu et dénué de sens d’enjoindre de les mettre en œuvre ; user de ses forces n’est pas la mission et la tâche de l’homme, mais c’est de tout temps un fait réel, un fait existant. Force n’est qu’un mot plus simple pour manifestation de force.

De même que cette rose est avant tout une vraie rose, que ce rossignol est toujours un vrai rossignol, de même je suis de nature un « homme vrai » et il n’est pas nécessaire que je remplisse ma mission, que je vive suivant ma destination. Mes premiers vagissements indiquent qu’un « homme vrai » est né à la vie, mon combat pour la vie est l’écoulement naturel de