Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/463

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L’objet fait de nous des possédés aussi bien sous une forme sainte que sous une forme profane, aussi bien comme objet suprasensible que comme objet sensible. Dans les deux cas, il y a passion ou maladie ; la soif de l’or et le désir du ciel sont sur le même plan. Tandis que les philosophes voulaient gagner les hommes au monde sensible, Lavater prêchait l’aspiration vers l’invisible. Les uns veulent provoquer le mouvement, les autres l’émotion.

La conception des objets est d’une absolue diversité ; ainsi Dieu, Christ, le monde, etc., ont été et sont conçus d’une infinité de façons. Chaque individu est pour un autre un « schismatique ». Mais enfin, après des luttes sanglantes, on est arrivé à ce que les schismes opposés sur un seul et même objet ne fussent plus condamnés comme des hérésies punissables de mort. Les schismatiques se tolèrent entre eux. Seulement pourquoi dois-je me borner à penser différemment sur une chose, pourquoi ne pas pousser la divergence jusqu’à sa dernière extrémité, par exemple jusqu’à ne plus rien conserver de la chose, jusqu’à n’y plus penser, jusqu’à l’écraser. Car la conception elle-même a une fin, parce qu’il n’y a plus rien à concevoir. Pourquoi dois-je dire : Dieu n’est pas Allah, n’est pas Brahma, n’est pas Jéhovah mais Dieu ; pourquoi ne pas dire aussi : Dieu n’est qu’une illusion ? Pourquoi me flétrit-on « quand je renie Dieu » ? Parce que l’on met la créature au-dessus du Créateur (« ils honorent et servent la créature plus que le Créateur[1] ») et l’objet dominant a besoin que je le serve en humble serviteur. Je dois me courber sous l’absolu, je le dois.

Par « le royaume des pensées » le christianisme s’est

  1. Aux Romains. I, 25.