Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/474

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langage, de cette institution humaine, de ce trésor de la pensée humaine. La langue ou la parole exerce sur nous la plus dure des tyrannies, parce qu’elle mène contre nous toute une armée d’idées fixes. Considère-toi maintenant en train de réfléchir, et tu trouveras que c’est seulement par le fait que tu es à tout instant libre de pensées et de paroles que tu avances. Ce n’est pas seulement dans le sommeil, mais au plus fort de la réflexion que tu es affranchi de la parole et de la pensée. C’est même à ce moment que tu es le plus libre. Et c’est seulement par cette absence de pensée, cette « liberté de pensée » méconnue, cette liberté qui te délivre de la pensée que tu es ton être propre. C’est alors seulement que tu parviens à user du langage comme de ta propriété.

Si la pensée n’est pas ma pensée propre, c’est simplement une idée qui se déroule en moi, c’est un travail d’esclave que j’accomplis, le travail d’un serviteur « obéissant à la parole ». Pour ma pensée, ce n’est pas une idée qui est à l’origine, c’est moi. Pour la pensée absolue ou libre, la libre pensée elle-même est le point de départ et elle se donne tout le mal possible pour faire de ce point de départ la suprême « abstraction » (par exemple, l’Être). C’est précisément cette abstraction, cette idée que nous développons ensuite en nous.

La pensée absolue est la chose de l’esprit humain qui lui est un saint Esprit. Par suite, cette pensée est la chose des prêtres qui « en ont le sens », qui ont « le sens des intérêts suprêmes de l’humanité », le sens de « l’esprit ».

Pour le croyant, les vérités sont un fait accompli, un fait ; pour le libre penseur, un fait qui est encore à accomplir. La pensée absolue peut être aussi incré-