Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/475

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dule qu’on voudra, son incroyance a des limites, et il reste malgré tout une foi à la vérité, à l’esprit, à l’idée et à leur victoire finale : elle ne pèche pas contre le Saint-Esprit. Mais toute pensée qui ne pèche pas contre le Saint-Esprit est croyance aux esprits et aux fantômes.

Je puis renoncer aussi peu à penser qu’à sentir, je ne puis pas plus m’interdire l’activité de l’esprit que celle des sens. De même que sentir est notre sens des choses, penser est notre sens des êtres (pensées). Les êtres ont leur existence dans toute chose sensible, en particulier dans la parole. Le pouvoir des paroles suit celui des choses : on est d’abord contraint par les verges, plus tard par les convictions. Notre courage, notre esprit dompte la force des choses ; contre la puissance d’une conviction, c’est-à-dire qu’un mot, la torture et le glaive du bourreau perdent leur force. Les hommes à conviction sont des hommes-prêtres qui résistent à toutes les tentations de Satan.

Le christianisme s’est borné à enlever aux choses de ce monde leur caractère irrésistible et nous en a faits indépendants. De même sorte, je m’élève au-dessus des vérités et de leur puissance : comme je suis suprasensible, je suis au-dessus du vrai. Les vérités sont pour moi aussi communes et indifférentes que les choses, elles ne m’entraînent ni ne m’enthousiasment. Aussi n’y a-t-il aucune vérité, ni le droit, ni la liberté, ni l’humanité, etc., qui aient pour moi existence et à laquelle je me soumette. Ce ne sont que des paroles, rien que des paroles, comme, pour le chrétien, toutes les choses ne sont que des « choses vaines ». Dans les paroles et les vérités (toute parole est une vérité comme dit Hegel qui affirme qu’on ne peut dire un mensonge)