Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/488

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réalité consiste en ceci, que moi, être corporel, je l’ai.

On dit que dans l’histoire du monde se réalise l’idée de liberté. Inversement cette idée est réelle autant qu’un homme la pense et elle est réelle dans la mesure où elle est idée, c’est-à-dire dans la mesure où je la pense, où je l’ai. Ce n’est pas l’idée de la liberté qui se développe, mais l’homme, et dans cette évolution personnelle, il développe naturellement sa pensée en même temps.

Bref le critique n’est pas encore propriétaire, parce qu’il lutte avec les idées comme avec des êtres étrangers puissants, de même que le chrétien n’est pas propriétaire de ses « passions mauvaises », tant qu’il lui faut les combattre : pour celui qui lutte contre le vice, le vice existe.

La critique demeure cachée dans la « liberté de la connaissance », la liberté de l’esprit, et l’esprit acquiert seulement la vraie liberté quand il s’emplit de l’idée pure, de l’idée vraie ; telle est la liberté de penser qui, sans pensée, ne peut être.

La critique ne chasse une idée que par une autre, par exemple l’idée du privilège par celle de l’humanité, ou l’idée de l’égoïsme par celle du désintéressement.

En somme on trouve le commencement du christianisme dans sa fin critique, car, ici comme là, on combat « l’égoïsme ». Ce n’est pas moi le particulier, mais l’idée, la chose générale que je dois mettre en valeur.

Guerre de la prêtraille contre l’égoïsme, ou du spirituel contre le temporel, voilà tout le contenu de l’histoire chrétienne. La critique de notre temps a rendu la guerre universelle ; le fanatisme s’est achevé. D’ailleurs il ne pourra disparaître qu’après avoir épuisé l’existence et exhalé jusqu’au bout ses fureurs.