Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/489

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Que m’importe si ce que je pense et ce que je fais est chrétien ! Ou si c’est humain, libéral, inhumain, antilibéral ! Du moment que mes pensées et mes actes n’ont pas d’autre but que ce que je veux, que j’y trouve ma satisfaction, donnez-leur les prédicats que vous voudrez, que m’importe !

Moi aussi, peut-être, je me débats dans l’instant suivant contre ma pensée d’avant, il m’arrive aussi de changer soudain ma façon d’agir ; mais ce n’est pas, parce qu’elle ne répond pas au christianisme, ce n’est pas parce qu’elle court contre les droits éternels de l’homme, ce n’est pas parce qu’elle va frapper en plein visage l’idée de l’homme, de l’humanité, mais parce que je ne m’en trouve plus si près, parce qu’elle ne m’offre pas une pleine satisfaction, parce que je doute de la pensée antérieure, ou que le mode d’action que j’ai suivi jusqu’ici ne me plaît pas.

De même que le monde comme propriété est devenu un matériel que j’emploie à ma guise, de même l’esprit comme propriété doit descendre à n’être plus qu’un matériel qui ne m’inspire plus aucune terreur sacrée. Tout d’abord on ne me verra plus trembler devant une pensée, si téméraire et « diabolique » qu’elle soit, parce que, si elle menace de devenir trop embarrassante et trop inquiétante pour moi, sa fin est en mon pouvoir, mais aussi je ne reculerai devant aucun acte, sous prétexte qu’il contient en lui l’esprit d’impiété, d’immoralité, d’illégalité, pas plus que saint Boniface de s’abstint, par scrupule religieux, d’abattre les chênes sacrés des païens. Si les choses du monde sont devenues vaines, les pensées de l’esprit doivent aussi le devenir. Aucune pensée n’est sacrée, car aucune pensée ne peut passer pour « piété », aucun sentiment n’est sacré (il n’y