Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/77

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réel. Quelles tortures les plus forts et les plus géniaux parmi les chrétiens se sont imposées pour saisir cette apparence fantasmatique ! Pourtant la contradiction des deux natures, divine et humaine de la nature fantasmatique et de la nature sensible a subsisté constamment. Toujours le spectre le plus étrange, le monstre immatériel est resté. Jamais un fantôme n’a causé de telles angoisses. Le possédé qui pour chasser les esprits s’agite jusqu’à la crise de nerfs, jusqu’à la folie furieuse ne souffre pas des tortures d’âmes pareilles à celles des chrétiens en présence de ce fantôme insaisissable entre tous.

Seulement par le Christ une vérité a été mise aussitôt en lumière, c’est que l’esprit ou le fantôme proprement dit, — c’est l’homme. L’esprit corporel ou doté d’un corps, c’est proprement l’homme : il est lui-même cet être effrayant, en même temps qu’il est l’apparence de l’être et l’existence ou l’être. Désormais l’homme ne frissonne plus devant d’autre fantôme que lui-même : il s’effraye de lui-même : au profond de son être demeure l’esprit du péché, déjà la pensée la plus fugitive (et celle-ci est elle-même un esprit) peut être un diable, etc. Le fantôme a pris corps, Dieu est devenu homme, mais l’homme est maintenant lui-même le fantôme terrifiant qu’il cherche à découvrir, à captiver, à approfondir, à réaliser, à exprimer : l’homme est esprit. Le corps peut se dessécher si l’âme est sauvée : de l’esprit dépend tout, et le salut de l’esprit et de l’âme est son seul objet. L’homme est devenu à soi-même un fantôme, un spectre sinistre auquel même une place déterminée dans les corps est assignée (Discussion sur le siège de l’âme, si c’est la tête, etc.).

Tu n’es point pour moi pas plus que je ne suis pour toi un être supérieur. Toutefois il peut y avoir en