Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/95

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L’homme moral est nécessairement borné en ceci qu’il ne connaît pas d’autre ennemi que l’homme « immoral. » « Quiconque n’est pas moral est immoral » et par conséquent réprouvé, méprisable, etc. C’est pourquoi l’homme moral ne comprend pas l’égoïste. La cohabitation hors mariage n’est-elle pas immoralité ? L’homme moral peut se tourner et se retourner en tout sens, il en reste toujours à cette formule ; à cette vérité morale Emilia Galotti sacrifia sa vie. Et vraiment c’est une immoralité. Une jeune personne vertueuse devient vieille fille, un homme vertueux passe son temps à combattre ses instincts naturels jusqu’à ce qu’il les ait éteints, il pourra dans un but vertueux se faire châtrer comme fit Saint-Origène en vue du ciel ; ils honorent le saint mariage ; ils reconnaissent inviolable la sainte chasteté ; c’est — moral. La luxure ne peut jamais devenir un acte moral ; même quand l’homme moral juge avec indulgence celui qui s’y livre et l’excuse, elle n’en demeure pas moins un crime, un péché contre un commandement de la morale, il s’y attache une souillure ineffaçable. La chasteté faisait partie autrefois des vœux monastiques, aujourd’hui elle est une condition de la vie morale. La chasteté est — un bien. — Au contraire pour l’égoïste, la chasteté n’est pas un bien qui lui soit nécessaire pour se tirer d’affaire. La chose n’a pas pour lui d’importance. Quel sera alors le jugement de l’homme moral ? Il rejette l’égoïste dans la seule classe d’hommes qu’il connaisse en dehors des hommes moraux, — dans celle des immoraux. Il ne peut juger autrement, il doit trouver immoral l’égoïste chaque fois que celui-ci ne tient pas compte de la morale. S’il n’en était ainsi, il serait sans se l’avouer infidèle à la morale, il ne serait déjà