Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/124

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peuple ou d’une communauté (d’après l’explication morale, c’est généralement l’esprit du sujet qui donne l’interprétation). Ainsi la première veut que le récit provienne d’une inspiration surnaturelle, la seconde en attribue le développement à l’action naturelle de la tradition légendaire. À quoi il faut ajouter que l’explication allégorique et l’explication morale peuvent, avec l’arbitraire le plus illimité, supposer comme fond du récit historique toute pensée qu’elles jugent digne de Dieu ou morale ; tandis que l’explication mythique, tenant compte de ce que comportent l’esprit et la conception d’un peuple et d’une époque, est ainsi circonscrite dans la recherche des idées qui sont cachées sous les récits.

Au reste, les deux partis, orthodoxes et rationalistes, s’élevèrent contre cette nouvelle manière de considérer l’histoire sainte. Dès l’abord, et lorsque l’explication mythique était encore renfermée dans les bornes de l’histoire primitive de l’Ancien Testament, Hess, du côté des orthodoxes, en avait fait l’objet de ses attaques[1]. Toute l’argumentation de son Mémoire, passablement long, repose, quelque incroyable que cela puisse paraître, sur les trois raisonnements suivants, qui rendent superflue toute observation, si ce n’est que Hess n’a pas été, il s’en faut beaucoup, le dernier orthodoxe qui ait cru pouvoir combattre l’explication mythique par de telles armes. Voici ces arguments : 1° Les mythes ne se prennent pas au sens propre ; or, les historiens bibliques ont voulu être entendus au sens propre, donc ils ne racontent pas de mythes. 2° La mythologie est quelque chose de païen ; or, la Bible est un livre chrétien, donc elle ne contient pas de mythologie. 3° (Ce dernier argument est plus compliqué et dit aussi davantage, comme on le verra plus bas.) S’il ne se trouvait du merveilleux que dans les

  1. Détermination de ce qui, dans la Bible, est mythe et histoire réelle, dans sa Bibliothek der heiligen Geschichte, 2. Bd., S. 155 ff.