Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/15

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nité, la filiation héréditaire arrive à permettre l’accumulation des richesses intellectuelles et morales et à créer les phases successives de la civilisation. Ainsi c’est un immense enchaînement où tout se soutient et marche par sa propre constitution et sans qu’aucune intervention soit nécessaire. L’esprit ancien était satisfait quand il avait supposé que les événements qui l’intéressaient étaient l’œuvre d’êtres surnaturels faisant arriver des choses qui sans cela ne seraient pas arrivées ; au contraire, l’esprit moderne est satisfait quand il a compris que les événements qui l’intéressent sont l’œuvre des forces immanentes qui déterminent aussi bien l’histoire de l’humanité que la marche du monde. Pour lui l’ensemble des choses est, une trame serrée qui ne laisse rien passer ; un devenir éternel et infini est l’objet de sa contemplation et lui donne un profond sentiment de sa subordination et de sa grandeur équivalant à celui qu’avaient les ancêtres en la créance au miracle et à l’intervention surnaturelle.

Cette situation mentale qu’ont créée les siècles précédents, les siècles futurs ne feront que la fortifier. Elle tient essentiellement au progrès des sciences. Plus les sciences s’agrandiront et s’étendront, plus la conviction de la constance des lois naturelles deviendra générale et décisive. Ce qu’elle opère maintenant est peu à côté de ce qu’elle opérera un jour. Elle gagnera les couches de la société où elle est encore incertaine ou ignorée, ce qui arrivera quand une véritable éducation publique sera établie ; elle ira chez des populations qui y sont tout à fait étrangères, et, prenant des forces à mesure qu’elle en donne, elle sera le meilleur appui de la civilisation progressive et de l’ordre futur.