Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/171

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La première de ces lois, conforme aussi bien à de justes idées philosophiques qu’à toute expérience digne de foi, c’est que la cause absolue n’intervient jamais, par des actes exceptionnels, dans l’enchaînement des causes secondes, et qu’elle ne se manifeste que par la production de la trame infinie des causes finies et de leurs actions réciproques. Par conséquent, toutes les fois qu’un récit nous rapporte un phénomène ou un événement, en exprimant d’une manière formelle ou en donnant à entendre que le phénomène ou événement a été produit immédiatement par Dieu même (voix célestes, apparitions divines, etc.), ou par des individus humains qui tiennent de lui un pouvoir surnaturel (miracles, prophéties), nous ne pouvons y reconnaître une relation historique. Et comme l’intervention d’êtres appartenant à un monde spirituel supérieur, ou repose sur des narrations sans garantie, ou est inconciliable avec de justes idées, il est impossible d’accepter comme de l’histoire ce qui est raconté des apparitions et des actes d’anges ou de démons.

Une seconde loi, observable dans tout ce qui arrive, est celle de la succession. Même dans les époques les plus violentes, dans les changements les plus rapides, tout suit un certain ordre de développement, tout croît successivement pour décroître. Si donc on nous dit d’un grand homme que, dès son enfance, il a eu et exprimé le sentiment intime de la grandeur qui a été l’apanage de son âge viril ; si l’on raconte de ses partisans qu’à la première vue ils ont reconnu qui il était ; si, après sa mort, leur passage du plus profond découragement jusqu’à l’enthousiasme le plus vif est représenté comme l’œuvre d’une seule heure, il nous faut encore ici faire plus que douter de la réalité de l’histoire qu’on nous raconte.

Enfin, c’est le cas de tenir compte de toutes les lois psychologiques qui ne permettent pas de croire qu’un homme ait senti, pensé, agi autrement que ne font les hommes,