Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/314

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gende, que de faire naître Jésus dans une étable et de le faire saluer d’abord par des bergers, et l’on conçoit clairement comment la légende a pu être amenée à inventer, de toutes pièces, le récit entier. Déjà Théophylacte en avait indiqué le véritable caractère, en disant que l’ange est apparu, non, à Jérusalem, aux pharisiens et aux scribes, qui étaient remplis de toute malice, mais dans la campagne, aux bergers, à cause de leur simplicité, de leur innocence, et à cause aussi qu’ils étaient, par leur genre de vie, les successeurs des patriarches[1]. C’est aussi dans la campagne et auprès des troupeaux que Moïse eut l’apparition céleste (2 Mos., 3, 1 seq.) ; et Dieu, d’après Ps. 78, 70 seq. (comparez 1 Sam., 16, 11), avait pris l’ancêtre du Messie, David, dans les huttes (près de Bethléem), pour être le pasteur de son peuple. En général, la mythologie de l’ancien monde attribue de préférence à des gens de la campagne[2] et à des bergers[3] les apparitions divines. Les fils des dieux et les grands hommes sont souvent élevés parmi les bergers[4]. C’est encore en conformité à l’ancienne légende que des apocryphes ont feint que Jésus était né dans une caverne ; ce qui rappelle la caverne de Jupiter et d’autres dieux[5] ; peut-être d’ailleurs le passage mal entendu d’Isaïe, 33, 16, a pu être l’occasion immédiate de ce trait[6]. De plus, la nuit, à moins que l’on ne veuille songer à des idées rabbiniques d’après lesquelles la délivrance par le Messie devait s’opérer, comme celle d’Égypte, pendant les ténèbres nocturnes[7], la nuit, disons-nous, dans laquelle la scène est placée, forme le fond obscur sur lequel la gloire du Seigneur, δόξα Κυρίου, se dessine avec d’autant plus d’éclat ; apparition qui, ayant

  1. In Luc. 2 ; dans Suicer, 2, p. 789, seq.
  2. Servius ad Virg. Eclog. 10, 26.
  3. Liban. Progym. p. 138, dans Wetstein, S. 662.
  4. Cyrus, d’après Herod. 1, 110, seq. ; Romulus, d’après Tite-Live, 1, 4.
  5. Voyez les passages dans Wetstein, p. 660 seq.
  6. C’est l’opinion de Thilo, Codex apocryphus N. T. 1, p. 383, not.
  7. Voyez Schœttgen, l. c., 2, p. 531.