Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/441

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Jésus, de se servir du prétérit[1]. Ainsi grammaticalement, c’est Jean-Baptiste qui parle à partir du verset 31, et cependant, historiquement, il ne peut pas avoir prononcé les paroles qui suivent ce verset, contradiction qui devient absolument indissoluble si l’on ajoute : dogmatiquement, l’évangéliste ne peut avoir mis dans la bouche de Jean-Baptiste aucune parole que ce dernier n’ait pas réellement prononcée. Or, nous ne voulons contredire ni les règles claires de la grammaire ni les données assurées de l’histoire, pour satisfaire au prétendu dogme de l’inspiration ; et, des prémisses ainsi posées, nous tirerons avec Lücke la conclusion que les réflexions de l’évangéliste sont mêlées ici avec le discours de Jean-Baptiste, dans lequel on ne peut plus les distinguer d’une manière précise, mais où elles prédominent. Ayant ici acquis la preuve qu’il importait peu au quatrième évangéliste de prêter à Jean-Baptiste, non seulement des paroles, mais encore des idées que ce dernier n’avait pas, nous devrons nous avouer que nous n’avons plus aucune assurance, que les deux caractères de l’idée du Messie énoncés plus haut, caractères qui, sans être absolument incompatibles avec l’époque de Jean-Baptiste, ne sont cependant, nulle part ailleurs, attribués à ce personnage, ne lui aient pas été également prêtés par l’évangéliste.

À en croire le quatrième évangile, c’est Jean-Baptiste qui a transporté sur Jésus ces attributs messianiques. Si, sous l’influence de l’inspiration divine, il l’a fait d’une manière aussi explicite et aussi répétée que nous le lisons dans Jean l’évangéliste, il est impossible qu’il ait été exclu par Jésus du royaume des cieux, βασιλεία τῶν οὐρανῶν (Matth., 11, 11), et que le plus petit dans ce royaume lui

  1. Par exemple, pendant qu’ici, v. 32, il est dit : Τὴν μαρτυρίαν αὐτοῦ οὐδεὶς λαμϐάνει, il est dit dans le Prologue, v. 11 : Καὶ οἱ ἴδιοι αὐτὸν οὐ παρέλαϐον. Comparer Lücke. l. c., S. 501.