Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/443

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Messie ? L’ascète sévère qui imposait à lui et aux siens des jeûnes rigoureux, le menaçant prédicateur de pénitence que l’esprit d’Élie animait, ne devait-il pas, autant que ses disciples (Matth. 9, 14), prendre ombrage de la manière libérale de Jésus, qui s’était élevé au-dessus de tous les préjugés, de toutes les duretés de la doctrine de Jean, et qui donnait à la vie des couleurs tout opposées ? Admettons encore que l’Ancien Testament l’eût assez instruit pour qu’il se représentât la vie dans l’alliance nouvelle, dans l’alliance messianique, comme une vie devenue plus libre et plus joyeuse par l’effusion de l’esprit[1], et qu’ainsi il se conformât à la doctrine de Jésus, on revient à ne pas pouvoir comprendre ce qui l’empêcha de se joindre extérieurement aussi à Jésus. Ou bien se sentait-il trop vieux, d’un esprit trop indépendant pour devenir disciple ? il devait du moins se retirer de la scène publique ; loin de là, il continue à baptister comme auparavant. Cela était sans but, s’il avait reconnu Jésus comme le Messie ; il n’était plus besoin, comme Neander le suppose, d’un rôle transitoire après l’apparition de Jésus, dont l’action renfermait tout ce qui, moralement parlant, ne se trouvait qu’en préparation dans la prédication de Jean. Encore moins peut-on expliquer la continuation des travaux publics de Jean-Baptiste par le besoin des localités dans le voisinage desquelles Jésus ne vint pas[2] ; car, d’après Jean (3, 22 seq.), tous deux baptisent à proximité l’un de l’autre. Mais même, quand le rôle de Jean n’aurait été que de signaler Jésus comme le Messie, la continuation de son baptême paraîtrait encore sans but. Par là, en effet, il retenait toujours une masse d’hommes dans les limbes du royaume messianique, il retardait ou empêchait même tout à fait leur passage à Jésus, et c’était sa

  1. Kern, Principaux faits de l’histoire évangélique dans Tüb. Zeitschrift, 1836, 2, S. 53 f. ; Neander, l. c, S. 59 f.
  2. Lücke, Comm. z. Evang. Joh., 1, S. 488