Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/447

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ment dans les domaines de ce prince, c’est ce qu’on ne peut comprendre ; et Schneckenburger l’a soutenu avec raison[1], car c’était le lieu où Jésus était le moins à l’abri d’un pareil destin. Mais quand même on ne pourrait expliquer le mot se retira, ἀνεχώρησεν, sans y joindre l’idée accessoire d’un asile cherché, on ne serait pas moins en droit de demander si le fait lui-même n’est pas réel, bien que le motif sur lequel l'évangéliste l’appuie soit erroné. Matthieu et Marc rattachent au voyage de Jésus en Galilée, après l’arrestation de Jean-Baptiste, les commencements de sa prédication publique ; et, en soi, il ne serait pas invraisemblable que cette prédication n’eût commencé qu’après l’éloignement de Jean-Baptiste et justement à cause de cet éloignement. Cependant, comme le narrateur et l’auditeur chrétiens cessaient de porter intérêt au précurseur du moment que Jésus commençait son rôle public, il se pourrait que là fût la cause de l’erreur, et qu’on se fût figuré que dès lors ce personnage avait réellement disparu de la scène. On comprend cela plus facilement qu’on ne comprend comment la narration opposée aurait pu se former sans fondement historique ; d’autant plus que la prolongation de la liberté de Jean-Baptiste, dans le quatrième évangile, est employée, non pour le ranger, en fait, parmi les disciples de Jésus, mais pour lui faire prononcer des témoignages qui ont pu être aussi bien rendus du fond de la prison.

Il demeure constant que, pendant son rôle public, Jean-Baptiste n’a pu ni penser ni déclarer que Jésus était le Messie ; au contraire, il est facile de montrer comment on a pu, par une voie non historique, arriver à croire qu’il avait eu cette pensée et rendu ce témoignage. D’après les Actes, 19, 4, l’apôtre Paul dit (et cela en tout cas appartient à ce qui reste d’historique dans les dires du Nouveau Testament sur

  1. Ueber den Ursprung, u. s. w., S. 79. Comparez Fritzsche, Comm. in Matth., p. 178.