Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/476

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εὐδόκησα. Pour qu’une semblable transformation soit admissible, il faut indiquer une cause qui ait pu la déterminer. Or, on trouve dans Isaie, 42, 1, un passage où Jéhovah dit de son serviteur, עבד : En lui (mon serviteur, je le prendrai) s’est complu mon âme, תך (עבדי אתמך בו) בהירי רצתה נפשי. De ce passage, les mots qui sont en dehors de la parenthèse ont été traduits presque textuellement par les mots que la voix céleste prononce dans Matthieu. Ce passage de l’Ancien Testament fut, comme nous le voyons par Matthieu, 12, 17, et seq., appliqué d’ailleurs à Jésus comme Messie. Or, c’est Dieu lui-même qui y parle, ainsi que lors du baptême, tel que le racontent les synoptiques ; ce passage a donc fourni, bien plus facilement que les expressions de Jean-Baptiste rapportées plus haut, l’occasion d’imaginer une voix céleste. Ainsi, d’un côté, nous n’avons pas besoin d’une fausse interprétation du discours de Jean-Baptiste pour expliquer l’origine du récit où intervient la voix céleste ; d’autre part, nous ne pouvons pas nous servir de ce discours pour en faire provenir, par dérivation, la particularité de la colombe ; en conséquence, nous devons chercher la source de notre narration, non dans l’un des documents évangéliques, mais en dehors du Nouveau Testament, et dans des idées qui avaient cours alors et qui étaient fondées sur l’Ancien Testament ; idées que Schleiermacher a complètement négligées, au grand détriment de la valeur objective qu’a sa critique du Nouveau Testament.

Considérer des déclarations sur le Messie, que des poètes avaient mises dans la bouche de Jéhovah, comme des voix célestes qui avaient été réellement entendues, fut tout à fait dans l’esprit du judaïsme postérieur, qui même admit non rarement que des rabbins distingués eurent en partage la communication de voix célestes[1] ; opinion que non seu-

  1. D’après Bava Mezia, f. 59, 1 (dans Wetstein, p. 427), R. Elieser s’appuya d’un signe céleste pour montrer qu’il avait la tradition en sa faveur : Tum