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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/161

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nous rêvions de publier un livre collectif. Nous écrivions alors dans un petit journal édité par un certain Henri Jouve qui, je crois, est encore dans la librairie. Celui-ci organisait des soirées littéraires où venaient des bourgeois métromanes, et entre autres littérateurs, Léo Trézenik, et Georges d’Esparbès. Il organisait aussi des concours et publiait, moyennant finances, les pièces primées. J’ai devant moi un petit volume daté de 1883, Poésies et Nouvelles, qui contient, entre autres morceaux, l’Étoile des Âmes, de Rodolphe Darzens :

J’aime à voir, appuyé le soir sur ma fenêtre,
L’obscurité descendre et les étoiles naître
Au loin lumières d’or ;
J’aime à sentir passer le vent des nuits d’automne
Modulant dans les airs sa chanson monotone
Qui me berce et m’endort !

La Terre Nue, de René Ghilbert (aujourd’hui René Ghil) :

Ce soir, sur les champs veufs des grands épis moulus,
La pluie ample poudroie, et la terre au corps veule,
Comme une mère énorme et qui soupire seule,
Tend sa mamelle ronde aux mamelons velus.

Le Lunatique, de Stuart Merrill :

Ô reine au sein de marbre, ô splendide Astarté,
Qui vas versant ton or dans les nuits inconnues,
Un voile au dur éclat de ta virginité !
Une ombre à tes blancheurs implacablement nues !